Pratchett & Clonk

Posted on Mai 4, 2008

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That\'s Death

Clonk…comme un coup sec derrière la nuque.

Terry Pratchett est un écrivain britannique qui souilla mon jeune cerveau de son miasme littéraire il y a 15 ans, lorsqu’à cause de cette sale curiosité (qui tue le chat et le balance dans la flotte lesté de caillasses), j’empruntais négligemment ‘La Huitième Couleur’ à la Bibliothèque de mon petit village cambrousard.

« Les annales du Disque-Monde », est-ce que ça a un rapport avec le jeu débile ‘Discworld’ que j’ai essayé l’autre jour sur le PC d’un pote ? Pas sur, peut-être que c’est juste une image poétique sur le ‘monde du disque’, du CD-ROM. Tellement c’est hi-tech un CD-ROM, tu peux faire tenir un monde dessus. Ouais, ça doit être ça. En tout cas, dans le jeu, ça parle de tortue…

Bon à cette époque, j’enchaînais bouquins sur bouquins, dans un registre fantasy-SF d’un classicisme austère. Arthur C. Clark, Asimov, Bradbury, Barjavel, Huxley…je m’en gavais jusqu’à l’écoeurement.

« Dans un ensemble lointain de dimensions récupérées à la casse, dans un plan astral nullement conçu pour planer, les tourbillons de brumes stellaires frémissent et s’écartent…

Voyez… »

(fragment de l’incipit de La Huitième Couleur, 1983)

S’en suit une description astronomique d’un tortue. Ah. C’était donc ça.

Je n’étais pas franchement préparé…à vrai dire je m’attendais à des trolls, des nains, des magiciens et un peu de barbares sanguinaires. Bon en même temps il y en a pleins le bouquin, de ces articles de fantasy-discount. A la différence qu’ils ont conscience d’être des clichés, tant et si bien…ah, voila que je théorise…enfin, tant et si bien que le lecteur se retrouve dans un costume de lecteur de fantasy de carnaval, avec un bouquin complice et moqueur dans les mains, pétri d’humour so-british et de jeux de mots fabuleusement traduit (par Patrick Couton, traducteur héroïque).

Et depuis, je suis la petite vie du Disque-Monde, au grès des publications de Pratchett, auteur prolifique puisqu’on en est à 36 bouquins (english) à l’heure où j’écris ces lignes, ce qui donne une moyenne d’1,44 par an.

Pas mal.

D’autant que la seule faiblesse que j’ai pu déceler au fil des ans tient au fait que les pages de la collection Atalante ont tendance à se décoller à la 7ème lecture.

Ainsi, mon petit imaginaire personnel a mûrit accompagné de Rincevent, Cohen, Vimaire, Chicard (oui, dur), Ridculle, Mémé Ciredutemps…et La Mort, lui-même (héhé), en personne. Quand ma tête est malade, l’écriture de Pratchett est comme une brise de fraîcheur senteur lavande dans un barbecue allumé encrassé de graisse de chipolatas.

Enfin…je n’écris pas pour faire un éloge des Annales du Disque-Monde ; série archiconnue, vendue à des millions d’exemplaires, traduit dans une centaine de langues, brassant pleins de fric et de fans hystériques. Je voulais juste exprimer ce que ces livres représentent pour moi, ce qui fait qu’une petite brève d’actualité parcourue d’un premier coup d’oeil distrait, puis d’un second incrédule, me laissa tout triste, il y a de cela moins d’une semaine.

En effet, lundi 28 avril 2008, Terry Pratchett fêtait ses 60 ans.

Ah oui. Et j’ai aussi appris qu’il avait été diagnostiqué d’une forme rare et précoce de la maladie d’Alzheimer.

Clonk…comme un coup sec derrière la nuque.

Cette nouvelle m’a affecté plus que je ne l’aurais cru. Évidemment, je suis inquiet concernant l’avenir de la série, mon besoin régulier de fixs disque-mondiaux se trouvant menacé si le cerveau qui les conçoit venait à défaillir. Mais je suis aussi, bizarrement, mais profondément peiné par cette putain de mauvaise nouvelle. Je suis bêtement sentimental, personne ne mérite une maladie aussi nulle, mais…quoi…Pratchett…sorte de figure vibrante au firmament de mes guides spirituels…tu t’en irais rejoindre le charnier des anciens combattants de l’écriture servant de piédestal aux nouveaux rigolos, déjà ?

C’est juste pas juste. Comme dirait Ron l’Infect : « Faichié ».